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Sciences Humaines et Sociales

16 mars 2018

L'outil de l'Imitation: De l'Antiquité au Moyen-Age

 

  

  Le mot français « Art » dérive du latin « Ars », artis, qui signifie habileté, métier, connaissance, technique.  Selon le dictionnaire des concepts philosophiques, « Ars » peut également signifier métier, talent, mais aussi procédé, ruse, manière de conduire, et seulement tardivement ‘’création d’œuvres’’, terme traduisant le grec « Technè ».

L’art est du domaine de l'Homme. Le résultante de cette activité ou l’idée que l’on s’en fait s’adresse délibérément aux sens, aux émotions, aux intuitions et à l’intellect. On peut dire que l’Art est le propre de l’humain, et que cette activité n’a pas de fonction pratique définie.
On considère le terme Art par opposition à la Nature, conçu comme pure puissance produisant sans réflexion, et à la science conçue comme par connaissance indépendante des applications. En effet, les définitions de ce concept varient largement selon les époques et les lieux, et aucune d’entre elles n’est universellement acceptée. Ainsi, pour Marcel Mauss, un ‘’objet d’art’’ par définition, est l’objet reconnu comme tel par un groupe. C’est pourquoi les collections de productions artistiques peuvent être classées et appréciées diversement selon les cultures, les auteurs, les institutions et les époques.

Il ne faut pas plus rechercher sa signification dans un synonyme d’artifice, c’est-à-dire de technique, de procédé qui déforme la nature ou tout du moins ruse avec elle. Pour Baudelaire, l’Art, écrit avec une majuscule, a sans conteste une valeur religieuse, voire quasi-mystique. C’est un instrument de connaissance, un sacerdoce auquel doit se consacrer le poète exilé, chassé d’un paradis perdu à une époque antérieure, s’il veut retrouver le ‘’vert paradis’’, ce monde surnaturel dont le monde réel n’est que l’affadie et même désespérante, en tout cas insatisfaisante.
En même temps qu’il investitqu’il investit l’Art de cette ambition métaphysique, le poète lui attribue une finalité technique : être le moyen sublime de recréer l’unité perdue, de produire l’ivresse sacrée par sa ‘’sorcellerie évocatoire’’, sa ‘’magie incantatoire’’.

 

Par sa souplesse à traduire les correspondances, le langage poétique peut nous ouvrir ‘’les portes de corne et d’airain, nous guider à travers des forets de symboles, c’est-à-dire au travers du monde visible, vers le monde invisible, vers une surnature plus réelle que la nature elle-même.  

Il faut également souligner que dans ‘’la République’’, Platon reconnait l’art en tant qu’une imitation du modèle original, en insinuant qu’il est voué à ressembler au concept, à l’idée sans pour autant substituer ce même modèle original, l’égaler.
Ce qui agrandit la critique de Platon par rapport à la Peinture et à la Rhétorique, qu’il campe en tant qu’art qui échappe au Vrai, au Beau et au Bien.

Tandis que de l’autre cote, il y a Aristote qui remet en cause cette conception de l’Imitation dans sa « Poétique », soulignant qu’il importe tout simplement de se reconnaitre dans cette copie (Mimèsis) que Platon, lui, il dévalue. Ce qui fait qu’au lieu de parler d’imitation, il avance la ‘’Représentation’’, en tant qu’elle n’est pas que pure copie de réel, mais bien « Création ». L’imitation est aussi création, art à part entière.

 

Par ailleurs, la classification des arts n’est toutefois pas universelle, et rechercher une classification unanime semble impossible, voire un anachronisme. Cette conception de l’art comme activité autonome, comme production par des artistes  d’objets que l’on s’accorde à trouver beaux, d’après une préférence de gout.
N’échappant, toutefois la possibilité d’asseoir le terme Mimèsis (ou Imitation) en tant qu’héritage de l’Antiquité grecque.  Et le concept d’imitation dans le domaine des Beaux-arts est une reprise calculée de ce que la nature est en apparence et en forme.

Depuis au moins l’Antiquité, la philosophie s’interroge sur la nature de l’Art. Platon dans l’Ion et l’Hippias Majeur ou Aristote dans La Poétique s’interrogent sur l’Art en tant que beau. Toutefois, l’esthétique diffère parfois des esthétiques postérieures et le mot grec Technè qui est le plus proche du français « Art » désigne dans la Grèce antique l’ensemble des activités soumises à certaines règles.

 

Il englobe donc à la fois des savoirs, des arts et des métiers.
Les muses grecques ne sont pas toutes associées aux arts tels qu’ils seront finis par la suite et la poésie, par exemple n’est pas une « Technè ».
La civilisation romaine ne distingue pas non plus clairement le domaine de l’art de celui des savoirs et des métiers, bien que Cicéron et Quintilien aient contribué par leurs réflexions. Ainsi, chez Galien le terme d’art désigne un ensemble de procédés servant à produire un certain résultat.
« Ars est systema praeceptorum universalium, verorum, utilium, ad unum, eumdemque, finim tendentium », signifiant, « l’art est le système des enseignements universels, vrais, utiles, partagés par tous, tendant vers une seule et même fin. Dans cette acceptation du mot qui a prévalu jusqu'à la fin du Moyen-âge, l’Art s’oppose à la Science et à la Nature.  

 

L’art dans l’Antiquité est étroitement uni à la Religion. Aucunement, la relation ‘’art et religion’’ n’est aussi frappante qu’en Egypte, qui offre un art façonné dès l’ancien empire sous la dictée impérieuse de ses croyances. Etant donné que les idées religieuses sur la tombe est d’abord sa (Egypte) création la plus caractéristique, et sa sculpture ne doit pas à une autre cause, ces qualités merveilleuses de réalité et de vie qu’elle représente, à une époque où la conscience nationale de la Grèce et de la Judée n’existait pas encore.
La pyramide n’est que la maison d’un mort auguste qu’il faut soustraire à toutes les chances de destruction ou de profanation pour lui garantir la paisible possession de la seconde vie, les tombeaux des premières dynasties sont « la maison éternelle », c’est « la bonne demeure », où le mort est chez lui, entouré d’images gaies, de représentations familières, sociétés vivantes dont les actes figurés lui garantissent l’accomplissement de toutes les cérémonies prescrites, comme de tous les travaux reproduits sur les parois de la chambre mortuaire : la jouissance des moissons, des raisins…
Si le sculpteur égyptien de la Vème dynastie a placé le Serdab des effigies aussi parlantes que celles du scribe accroupi du Louvre ou du nain Khnoumhotpou du musée du Caire, c’est qu’elles étaient le ‘’support indispensable du double, le corps dans lequel l’âme du mort ne pouvait pas subsister dans l’autre monde’’.

 

Si cette sculpture réaliste ne s’est pas développée comme on s’y attendait, voir ses débuts étonnants, si, à partir de la XIIe dynastie, les cliches s’y multiplient, c’est peut-être qu’il lui a manqué le principe fécond qui fait la souplesse et la beauté de la sculpture grecque, l’anthropomorphisme.
Les égyptiens se sont faits de leurs divinités des représentations composées, en suivant une logique qui est aussi celle de leur écriture, ils les ont peintes ou sculptées comme ils élaborent leur hiéroglyphe : l’addition des têtes d’animaux sur des corps humains ressemble plus à une manière de représenter. Cela a produit un art qui se revendiquerait comme conventionnel, c’est-à-dire qui n’est jamais tombé dans les illusions dont s’est nourri l’art occidental depuis les Grecs jusqu’au XXème siècle.    

 

 

Le concept d’imitation dans l’art médiéval  ne reprend pas l’idéologie platonicienne, dans le sens où cette période de l’histoire de l’art accorda peu de soucis à une représentation réaliste des figures, de leur ressemblance à des êtres historiques, de leurs dimensions respectives ou de leur inscription dans l’espace. Cependant, une présence de l’Antiquité dans l’art médiéval entre 1180 et 1230, est chez les orfèvres, les peintres médiévaux et les sculpteurs du nord des alpes, eux qui tirent modèle sur l’Antiquité pour accoucher un nouveau style artistique : ‘’Le style 1200’’. Mais, cette imitation ne signifie nullement une appartenance du Moyen-âge à l’Antiquité, puisque le christianisme comme religion dominante fut le plus grand canon de transmission de savoirs et de connaissances.

 

   Sur ces entrefaites, la présence de l’imitation dans l’art, de l’antiquité au moyen-âge, est bien plus qu’une caractéristique. Les deux (Art et Imitation) consistent, comme l’apprécierait Aristote, l’ouvrage même, la ‘’Création’’.
L’intention de vouloir taxer l’imitation de suppôt du faux, de la copie, peut se révéler utile si l’on case le sujet dans une pensée platonicienne.

Et c’est créer l’équilibre, quand on balance l’Antiquité et le moyen-âge, pour soutirer l’outil qu’est l’imitation et le comprendre bien plus qu’un simple reflet.

Dans ce cas, l’attitude de celui qui philosophe n’est pas d’opter pour l’un ou pour l’autre, il se doit d’actualiser le sujet et comprendre les nombreuses transformations que ce sujet connait.
Donc, le désir de plaire en imitant implique une nécessité temporelle, incluant aussi le social. C’est tout de suite comprendre la place qu’occupait le christianisme au moyen-âge et le besoin pressant d’approprier une main divine sur les préoccupations humaines dans l’Antiquité.

 

 

                                                                                            Grégory DOCTEUR

                                                                                 Etudiant en Archéologie et Histoire

                                                                                           Université d'Etat d'Haiti

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